Avis Lecture : L’Amérique de l’étrange (Delphine Schmitz)

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Informations :

  • Édition : Séma Éditions
  • Parution : 24/11/2018
  • Nombre de pages : 276 pages
  • ISBN : 978-2-930880-65-5
  • Prix : 16 € (Broché)

Résumé :

New York, 1868. L’ambitieuse Thémis Newton est la première femme à avoir rejoint la police métropolitaine. S’appuyant sur ses méthodes scientifiques et avec l’aide de Sam, son automate octopode, elle est persuadée de parvenir rapidement à mettre la main sur le prétendu « voleur invisible » qui sévit en ville. Elle déchante lorsqu’elle doit collaborer avec Jake Spook, journaliste passionné de paranormal. Les deux enquêteurs, que tout oppose, n’en sont
qu’au début de leurs surprises. À la poursuite d’une redoutable société secrète, ils seront amenés à sillonner le pays et ses mystères.
La rationnelle policière devra peu à peu l’admettre : il se passe des choses étranges dans les mines de Californie, dans le désert du Nouveau-Mexique ou encore dans les fabriques de bourbon du Tennessee… Et si les théories loufoques de son partenaire étaient fondées ?

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« Quelle triste disposition humaine que celle qui consistait à envier le bien d’autrui plutôt que de se réjouir du sien ! »

Mes impressions, un mélange des genres plus que sympa

Vous vous souvenez peut-être de Delphine Schmitz et de l’interview que j’avais réalisé avec elle lors des Halliennales où elle me faisait justement le teasing de son dernier bébé ? Donc voilà, c’est chose faite, j’ai lu et terminé l’une des dernières sorties de chez Séma Éditions. Et je valide totalement ce petit monstre nommé « L’Amérique de l’étrange : les enquêtes de Spook et Newton ».

Donc, comme l’indique le titre de l’article, vous mélangez du Fantastique avec du Western, le tout nappé d’un peu de Steampunk, mais pas trop. L’idée peut paraître loufoque, mais c’est en fait assez intelligent comme mélange. Il s’agit en fait ici de « Weird West » comme l’a souligné très justement mon mentor Apophis du Blog portant le même nom. Comme il l’a mentionné, on peut rattacher ce genre à des oeuvres cinématographiques comme « Cowboys et envahisseurs » (Daniel Craig et Harrison Ford) ou encore « Wild Wild West » (avec Will Smith notamment). Merci à lui pour la précision.

En gros, nous suivons en premier lieu Themis Newton, première femme en service dans la police de New-York. Alors qu’on lui confie pour la première fois une enquête d’envergure qualifiée de « casse-gueule », elle rencontre un journaliste spécialisé dans le paranormal du nom de Jake Spook. Ensemble, et de manière imprévue, ils vont tenter d’élucider le mystère de « l’homme invisible », sobriquet donné à un voleur qui sévit dans les rues et dont personne n’arrive à mettre la main dessus.

Je ne peux pas vraiment en dire plus car je risquerai de totalement spoiler l’intrigue. Sachez juste qu’il y a d’autres enquêtes qui se suivent (que je vais détailler ici plus bas), avec un fil conducteur précis lié à une organisation nommée l’Alliance Noire qui cherche à dominer le monde (comme la Team Rocket ❤ ) et cherche également l’immortalité.

Thémis Newton et Jake Spook sont un peu des Mulder et Scully de la série X-Files. Un petit hommage également au personnage de Sherlock Holmes dont l’auteure est fan (surtout fan de Doyle, l’inventeur du célèbre enquêteur). L’aventure est surtout intéressante lorsque nous sommes en compagnie des deux individus que, de prime abord, tout oppose. L’une est une terre-à-terre au possible et fait bien plus confiance en la technologie et en la science qu’à son propre collègue, lui qui est bien plus porté sur les activités paranormales, les légendes et les récits fantastiques. Ces deux personnalités que, d’apparence, tout oppose, vont devoir allier leurs facultés pour faire face à des énigmes qu’aucune autre personne n’est en mesure de résoudre.

Delphine reprend ici des histoires que nous connaissons relativement bien. Homme invisible, exorcisme, clonage, revenants et autres chupacabra et aliens en tout genre. Rien de bien original dans l’idée de base. Sauf que l’approche de l’auteure, avec son petit côté Steampunk et sa revisite de ces histoires connues, en mêlant habillement l’opposition sciences et croyances, en font une histoire tout à fait unique, le tout apportant son lot de surprises et de suspens. Le contexte historique est également très important. La guerre de sécession, l’assassinat du président Lincoln, la ruée vers l’or,… L’auteure nous dépeint une Amérique divisée et en pleine conquête de l’Ouest et elle nous embarque admirablement bien à travers son récit et à travers l’Histoire avec un grand H.

Alors bien sûr, il y a des points où j’ai tiqué comme par exemple sur deux nouvelles où j’ai moins accroché sur le fond, quelques facilités pour l’avancée de l’histoire et autres petites maladresses mais que je consignerai plus bas.

Notez également que le livre fait partie des œuvres finalistes pour le prix Masterton 2018 !

Analysons de plus près le récit.

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« Une policière aux méthodes scientifiques et un journaliste ouvert à toutes les éventualités, tous deux pourvus d’autant de courage que d’intégrité et prêts à sortir des sentiers battus pour protéger la nation… Nous ne pouvions rêver meilleurs agents ! »

L’oeuvre décortiquée

  • L’homme invisible

Comme mentionné plus haut, il s’agit de la première mission d’envergure de l’agent Newton et de la première rencontre avec l’improbable Jake Spook qui deviendra, par la force des choses, son coéquipier pour leurs futures enquêtes. Ensemble, ils devront déjouer un mystérieux homme invisible qui semble voler n’importe qui et n’importe quoi et tout le monde est comme atteint d’une impression de déjà vu.

L’idée de l’homme invisible est très bien revisitée par l’auteure qui amène de petits éléments Steampunk pour expliquer les méthodes du voleur. On découvre également toute l’utilité de Sam, l’araignée mécanique. La démarche scientifique de Newton et l’instinct de Spook vont-ils mettre la main sur l’homme et ses méfaits ? Dans le même temps, une autre histoire en trame de fond  avec une organisation maléfique et qui durera sur l’ensemble du récit viendra s’ajouter en plus de cette enquête.

  • Le fantôme de la mine

Midas, Californie. Le gérant de la mine locale est retrouvé mort, une pioche dans le dos. Il n’en faut pas plus à la population pour se remémorer l’horrible légende qui entoure la fameuse mine et de Bill l’orpailleur. Si elle s’avère exacte, trois hommes mourront en trois nuits. Il n’en fallait pas plus pour que les agents Newton et Spook ne soient appelés pour venir découvrir de quoi il en retourne.

Une histoire de fantôme vengeur, des cowboys qui se font la loi eux-mêmes, un lien éventuel entre cette affaire et des expériences interdites orchestrées par l’Alliance noire ? Les agents devront découvrir le fin mot de l’histoire et faire face à plusieurs obstacles pour comprendre ce qui se passe. Un doux parfum de l’Ouest sauvage américain, la poussière et la chaleur de Californie, les cowboys et les saloons, les mines et les esprits vengeurs, tout y est pour que vous vous sentiez comme à l’époque de la grande conquête et la ruée vers lors du XIXème siècle.

  • La Dame à la valise

Charles Booth prend le bateau en direction de New-York et joue son rôle d’homme d’affaires exemplaire à contre-cœur. Lorsqu’il rencontre cette inconnue sur le pont du bateau, on peut dire sans ménagement que ça vie va littéralement changer. Pour le meilleur ou pour le pire ? Seuls les agents Newton et Spook pourront le découvrir. Une mystérieuse femme a fait appel à leurs services car elle devait leur remettre le contenu d’une valise qui pourrait s’avérer dangereux s’il tombait entre de mauvaises main.

  • Raven Creek

Tennessee, la bourgade de Raven Creek compte 666 habitants. Spook y voit le chiffre du diable, Newton y voit une coïncidence de tous les…diables… Ahem… donc les deux agents vont se rendre dans ce charmant patelin pour une sordide histoire de possession. En effet, lorsque le père Matthew se retrouve agressé par Paul Douglas lors de son office, la panique prend…possession des habitants (j’suis en forme là). Mais il ne s’agit pas d’une simple agression. Les yeux jaunes injectés de sang, une force considérable, la tête qui tourne sur elle-même et l’homme qui se met à parler en latin, le père a échappé de peu à une mort violente. D’autres sont malheureusement condamnés au même sort que Paul. Qui est l’auteur de ces changements troublants ? Serait-ce Caroline, la tenancière du restaurant écossais installée depuis peu en bordure de la ville et à qui on attribut des guérisons miracles ? Y aurait-il un quelconque rapport avec la distillerie de bourbon dénommée « 39 » ? Une mission périlleuse attend nos deux agents.

  • Des étoiles dans le désert

Si on vous parle du Chupacabra, cela vous évoque-t-il quelque chose ? En tout cas, cela titille suffisamment nos deux agents pour qu’ils viennent découvrir sur place ce qu’il se passe dans les fermes du côté de l’Arizona. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir entendu parler des agissements de la bête mythique. L’Alliance noire les a devancés et ils doivent rester sur leurs gardes s’ils ne veulent pas être pris au piège.

C’est dans ce dernier texte que les morceaux du puzzle du passé de Thémis Newton vont s’assembler et on découvrira ce qui s’est réellement passé avec le décès de son père et cela mettra un point final à la trame de fond qui ne s’éloignait jamais très loin de chaque enquête.

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 » – Allons, Newton, après tout ce que vous avez vu au cours des dernières semaines, vous doutez encore de l’existence du merveilleux ? Décidément, vous êtes incorrigible ! »

Ce que j’ai aimé

  • La couverture de Christophe Huet, alias Floating Fantask (qui avait déjà réalisé les superbes illustrations de « The Dark Gates of Terror« ), donne encore une fois ce petit côté old school, et le jeu des ombres et lumières est superbe. Une couverture qui attire l’œil (j’aurai peut-être habillé Thémis différemment mais c’est mon avis).
  • Le contexte historique. La guerre de sécession, à moins qu’on ne soit vraiment passionné par l’Histoire des États-Unies, n’est pas si connue par chez nous. La petite intro historique du début est parfait pour nous plonger dans le contexte et nous rappeler d’où a commencé cette guerre et comment tout cela s’est conclu, et cela en quelques lignes seulement.
  • La plume de l’auteure. Ah, premier livre que je lis de Delphine et je suis vraiment conquis par son univers et sa capacité à nous immerger dedans. Pas étonnant car l’un de ses écrivains favoris est le grand Stephen King, et elle ne tarissait pas d’éloges sur sa capacité, justement, à se mettre à la place de ses personnages pour imprégner au maximum le lecteur.
  • La place de la femme dans la société. Je lis rarement des livres écris par des femmes (pas par choix, juste le hasard), encore moins quand son personnage principal est une femme. Alors c’était une expérience vraiment intéressante de voir comment Thémis essayait de monter les marches dans un univers très machiste (dur de se dire qu’encore à notre époque certains hommes n’ont pas évolué mentalement depuis plus d’un siècle…mais le débat n’est pas là). J’ai bien aimé comment Delphine parlait des clichés et des difficultés du beau sexe à évoluer dans cet environnement hostile sans pour autant prendre une position radicale et extrémiste.
  • Bah tout simplement l’aventure dans l’Ouest américain. On a tous à un moment donné essayé je jouer aux Cowboys et aux Indiens, regardé un de ces films anciens (avec ou sans John Wayne) et la ruée vers l’or,…  S’imaginer ces hommes qui, partant de rien et sur un désert, ont créé aujourd’hui les mégapoles que nous connaissons tous, c’est grisant. Delphine recompose en partie ces émotions à travers ces différentes missions qui nous font voyager comme jamais dans l’Amérique du XIXème siècle.
  • Au-delà des différents contexte sus-mentionnés, les enquêtes sont, pour la plupart, super intéressantes même si j’ai quelques défauts à pointer plus bas. Mes préférées étaient « L’homme invisible » qui nous met vraiment dans le bain, « Le fantôme de la mine » où l’auteure joue habillement entre croyances locales et approche scientifique (et il y avait un morceau horrifique pas désagréable du tout), et pour finir Raven Creek que j’ai vraiment adoré avec le côté Exorciste et distillerie de bourdon à l’ancienne. Un parallèle avec quelque chose de démoniaque est très cocasse et subtilement trouvé.
  • Des références comme le président Lincoln, Jack Daniel ou encore la ville de Roswell (pour ne citer qu’eux) sont vraiment bien instillés dans le texte et on se surprend à sourire lorsque l’on reconnaît la référence et comment elle a été apportée.

Ce que j’aurai aimé, ce qui m’a dérangé

  • Quelques petites imprécisions dans certaines phrases si on fait la fine bouche, quelques passages un peu trop soutenus alors que ce n’est pas forcément nécessaire, quelques longueurs ou des petits détails qui chiffonnent sur le moment mais sur lesquels on passe relativement vite l’éponge.
  • Quelques facilités prises par l’auteur pour expliquer certaines actions ou pour se sortir de situations délicates. On peut prendre ce problème légèrement et laisser couler, ou alors trouver que c’est trop flagrant et que ça gâche un peu le côté « réaliste » de l’histoire. Il faut voir cela comme une histoire Fantastique, donc les facilités sont assez bien acceptées.
  • Si j’ai eu des textes favoris, j’ai forcément eu des textes que j’appréciaient moins. Pour « Les étoiles dans le désert », j’ai bien aimé l’ensemble et ce qui amenait le grand final. Mais je trouvais qu’en démarrant avec le mythe du Chupacabra, on n’a pas du tout exploité sa légende et c’est un peu regrettable, surtout qu’avec cette histoire on aurait pu imaginer un moment horrifique intense mais ça, ce n’est que mon envie personnel qui parle. La nouvelle qui m’a le moins marquée c’était « La dame à la valise ». Texte très bien écrit mais qui tirait en longueur (à mon goût encore une fois), peu d’action, une fin « facile » et une mission qui n’apporte rien au niveau de la trame de fond (bon allez, si, léger, pour mettre en avant l’omniprésence de l’Alliance noire quoi, mais c’est tout). Mais bon, peut-être que ce dernier texte sera adoré par d’autres lecteurs, et je le souhaite car il est très bien écrit comme je le disais, mais voilà, moi il ne m’a pas botté plus que cela.
  • La relation Spook – Newton qui a du mal à évoluer au fil des missions. Cela m’énervait qu’il y avait ce « professionnalisme » de tous les instants. Une distance à la Sherlock – Watson si on veut. Il n’y a qu’à la fin qu’on décèle une évolution entre eux mais voilà, j’aurai aimé plus de…complicité. Mais individuellement les deux agents sont vraiment chouettes.

Point neutre, réflexion

  • Le côté Steampunk n’est finalement pas si présent que cela. Hormis le chouette Sam, petite araignée mécanique sympathique, le véhicule qui transporte nos deux agents et quelques artefacts comme les lunettes de duplication par exemple, le Steampunk est relativement discret. Alors est-ce un bien ou un mal ? Dans la mesure où on nous vend un livre Steampunk, je pense que ça manque d’éléments. Après, c’est très bien pour les personnes n’ayant pas de connaissances ou d’affinités avec le genre, ils ne se sentiront pas largués ou envahis de technologies débridées.

Conclusion

Une première entrée dans le genre « Weird West » et dans le Steampunk par la même occasion grâce à cette lecture. Les aventuriers et amateurs des séries X-Files ou Sherlock y trouveront leur compte et ceux qui ont du mal avec les technologies à vapeur ne se sentiront pas submergés. Quelques petits défauts parsèment l’ensemble sans pour autant gêner à la lecture. La majorité des enquêtes sont vraiment prenantes, l’une l’est peut-être un peu moins. Mais globalement, on tient là un très bon livre qui vous plongera dans l’Amérique des années 1860-70 après la guerre de sécession. L’auteur saura vous attirer dans son univers par sa plume et ses histoires revisitées, le tout dans un savoureux mélange de Fantastique, Western et Steampunk. Découvrez l’agent Thémis Newton, ses méthodes scientifiques et sa petite araignée mécanique Sam, rencontrez le journaliste Jake Spook et son instinct incisif dans tout ce qui concerne le paranormal, venez vivre leurs aventures à travers les ruées vers l’or et la conquête de l’Ouest, des cowboys, des bandits de grands chemins et des amérindiens. Essayez d’identifier qui se cache derrière l’organisation de l’Alliance noire qui essaie par tous les moyens d’acquérir l’immortalité. Venez découvrir l’Amérique de l’étrange ainsi que les mystérieuses enquêtes de Spook et Newton !

Livre lu dans le cadre du partenariat avec Séma Éditions

Note

8,5/10

Si vous avez apprécié cette critique (ou pas), n’hésitez pas à commenter. Si vous l’avez déjà lu ou si vous avez des questions spécifiques au récit, laissez une trace de votre passage 🙂

D’autres avis d’experts, c’est par ici –> Satine’s Book, Jet de mot (Véronique),…

12 réflexions au sujet de « Avis Lecture : L’Amérique de l’étrange (Delphine Schmitz) »

  1. Je connais la plume de Delphine grâce à « Les morts marchent », et bien que plus trop attirée par le genre, j’avais « marché à fond » 🙂 Je suis heureuse qu’elle continue et continue, et surtout qu’elle continue de plaire!

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