Avis Lecture : Fahrenheit 451 (Ray Bradbury)

Informations :

  • Édition : Folio SF
  • Parution : 2016 (original : 1953)
  • Nombre de pages : 236 pages
  • ISBN : 9782070415731

Résumé :

451 degrés Fahrenheit représentent la température à laquelle un livre s’enflamme et se consume.
Dans cette société future où la lecture, source de questionnement et de réflexion, est considérée comme un acte antisocial, un corps spécial de pompiers est chargé de brûler tous les livres dont la détention est interdite pour le bien collectif. Montag, le pompier pyromane, se met pourtant à rêver d’un monde différent, qui ne bannirait pas la littérature et l’imaginaire au profit d’un bonheur immédiatement consommable.
Il devient dès lors un dangereux criminel, impitoyablement pourchassé par une société qui désavoue son passé.

Auteur, Bradbury, ce visionnaire…

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Waukegan, Illinois , le 22/08/1920
Mort(e) à : Los Angeles, Californie , le 05/06/2012

« Ray Douglas Bradbury est un écrivain américain, célèbre pour ses nombreuses œuvres de science-fiction, ayant une préférence pour l’anticipation (sous-genre de la science-fiction). Il est particulièrement connu pour les « Chroniques Martiennes », écrites en 1950, « L’homme illustré », un recueil de nouvelles écrit en 1951 et surtout pour son roman de dystopie: « Fahrenheit 451 », publié en 1953. Ray Bradbury a aussi écrit sur la survie spirituelle de l’humanité, s’opposant au matérialisme de la société (notamment un des thèmes de « Fahreinheit 451 »).

Un prix a été créé en 1992, en son nom, qui récompense l’excellence d’une oeuvre dramatique présentée au cinéma, à la télévision, sur internet, à la radio ou encore au théâtre. Il est décerné par un regroupement d’auteurs de science-fiction, le « Science-fiction and Fantasy Writer of America ». Ce prix remplace officiellement celui de « Nebula du meilleur scénario » qui datait de 1973.

En 2002, il reçoit la médaille de la « National Book Fondation », puis le 1er avril de la même année, l’auteur se voit attribué la 2193ème étoile du « Walk of Fame » à Hollywood. Le 22 août 2012, la NASA nomme en son honneur l’atterrissage effectué par le robot « Curiosity » sur Mars: « Bradbury Landing » (« Zone d’atterrissage Bradbury »).

Ray Bradbury est un maître incontesté du récit de science-fiction, bien qu’il ne se soit pas considéré comme un écrivain centré sur un genre. Il estime lui-même avoir plus écrit de romans de fantasy que de science-fiction. » (source Babelio)

Titre, couverture et quatrième de couverture, à chacun son époque

La couverture de Folio SF est belle, représentant un homme gris « tatoué » de mots et volant en cendres. Une belle image représentant de belle manière le message du livre. Elle est plus belle que les nombreuses rééditions déjà connues comme l’édition Folio SF 2000 ou encore celles de Gallimard et Denoël dans les années 90 ou encore les éditions anglaises Harper (2008 – 2013).

Le titre est expliqué dans la quatrième de couverture. Et le résumé est suffisamment explicite pour que l’on sache à quoi s’attendre à la lecture. Pas de surprise à ce niveau-là.

« Ceux qui ne construisent pas doivent brûler. C’est vieux comme le monde et la délinquance juvénile. »

Mes impressions, une SF dystopique en avance sur son temps

Je peux enfin accrocher un Must Have de SF dans ma collection !

Le livre fut écrit en 1953. Et cela se ressent dans l’écriture et dans les visions de l’époque. Il s’agit d’une science-fiction dystopique très bien écrite, parfois poétique, parfois philosophique, avec ce côté très surréaliste dans certains passages.

Ce type de lecture n’est pas vraiment ma cam. Mais il faut avouer que l’auteur avait une version assez visionnaire de ce qu’allait devenir le futur. Société de surconsommation, addictivité aux écrans, perte de discussion et de sentiments les uns envers les autres, servilité du peuple vis-à-vis des autorités, l’abêtissement de la société jusqu’à interdire toute forme de culture, privilégier les performances à la connaissance,… Même si l’auteur pense que la coccinelle sera toujours la voiture du futur et que les performances n’iront pas au-delà de 150km/h, le reste ressemble dangereusement à ce à quoi nous sommes arrivés.

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Ce livre est clairement un ennemi, ou un espoir, de la littérature. Qu’arriverait-il à notre société si les politiques venaient à, petit à petit, nous interdire la lecture d’ouvrages quels qu’ils soient sous prétexte qu’ils dérangent ? Ne devrait-on pas faire lire ce grand classique de SF aux enfants pour leur inculquer la nécessité de préserver la culture et les prévenir de la dangerosité de la société dans laquelle ils vivent ? Même si ce livre reste avec les idées de son époque, il met le doigt sur des problèmes futurs qui aujourd’hui sont partiellement vrais. Je pense que l’auteur a dû se dire avant sa mort que, malheureusement, il était bien loin de la réalité pour certaines choses qu’il avait anticipées. Heureusement tout n’est pas tout noir. Mais la prise de conscience du héros est un électrochoc que nous devrions tous avoir pour nous sortir de l’enlisement dans lequel nous sommes en train de glisser lentement mais surement.

Il y a ce moment de prise de conscience que j’appelle l’effet Matrix (il y a surement un autre mot pour exprimer cela mais je ne le connais pas ^^). Ce moment où Néo se réveille dans le Monde réel et prend conscience que c’est vraiment la m.rde et qu’il est le seul à pouvoir changer les choses, apporter ce que les autres n’ont pas réussi jusqu’à présent. Pareil pour Montag. Il y a un effet déclencheur (la bizarroïde  Clarisse McClellan), et notre pompier qui jusqu’ici vivait sa vie, sans se poser la moindre question sur sa place dans la société, va commencer à remettre en cause petit à petit tout ce qui l’entoure et à douter de lui, des gens qu’il côtoie et de la société. Bon, ici, Montag ne sera pas le super héros qui sauvera l’humanité de son anéantissement et se retrouvera traqué comme un vulgaire criminel, à cause de sa prise de conscience notamment et des événements qui en découleront.

Au final, le fait de brûler des livres n’est peut-être pas le sujet le plus important abordé, mais c’est le « comment la société a évolué vers l’auto-destruction ? » qui prime.

« Je n’ai pas d’amis. C’est censé prouver que je suis anormale. Mais tous les gens que je connais passent leur temps à brailler, à danser comme des sauvages ou à se taper dessus. Vous avez remarqué à quel point les gens se font du mal aujourd’hui ? »

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Les personnages, Guy Montag au pays des fous

le personnage principal, Guy Montag, pompier de son état et par conséquent brûleur de livres, va dans ce roman très vite ouvrir les yeux sur sa situation et sur le monde de merde qui l’entoure grâce à la jeune mais pas moins bizarre Clarisse McClellan. Et l’on va découvrir, au fil de ses réflexions, comment il arrivera à la décision de devenir un ennemi du Monde. Les relations entretenues avec les personnages annexes sont très intéressantes, surtout avec sa femme Mildred (quel drôle de nom pour une dame). Le désintéressement de cette dernière pour la relation amoureuse au profit d’intérêt comme « la famille » avec qui elle parle sur ses murs de salon (sorte d’écrans muraux qui projettent des images humaines et des émissions douteuses, les prémisses de la télé-réalité sans doute) est effarant, et lorsqu’elle invite deux « amies » pour regarder l’une de leur émission favorite, leur discussion est à peine croyable (notamment sur le désintéressement des enfants et de leurs maris partis à la guerre).

L’autre personnage notable est le fameux capitaine Beatty. Supérieur de Montag, il aura son moment philosophique où il expliquera comment le Monde en est arrivé à brûler les livres. On peut l’apprécier comme le détester pour son esprit étriqué, et son destin pourra peut-être en laisser quelques-uns sur le derrière.

Il reste le vieux Faber dont je m’interroge encore sur son véritable impact dans l’histoire et Granger, le clochard que rencontre Montag et qui lui explique qu’il fait désormais partie de milliers de personnes comme eux, et qu’ils sont à présent ceux qui « se souviennent ». Nous n’en connaîtront finalement pas plus sur lui ni sur ses compères et nous ne connaîtront pas ce qui arrive à Faber même si on le devine.

« Nous ne naissons pas libres et égaux. Comme le proclame la Constitution, on nous rend égaux. »

xdD

Ce que j’ai aimé

La réflexion profondément visionnaire pour une personne ayant écrit ce texte il y a plus de soixante ans. Il ne faut pas oublier qu’il fait partie de cette génération marquée par la deuxième Guerre Mondiale, expérience retranscrite de manière très détachée, un peu à la manière des personnes dans leurs relations dans le récit.

Les côtés poétiques et philosophiques apportant une vraie réflexion sur la société de manière générale. Mildred est un personnage très réussi pour vraiment mettre en valeur cette situation d’assimilation totale de cette façon de vivre qu’est l’ultra-consommation et la victoire des écrans face les relations humaines.

Le livre, même s’il est parfois un peu compliqué de tout saisir, est fluide et se lit très vite malgré un récit peu rythmé.

Le fait que le livre est intergénérationnel et amène une véritable réflexion sociétale.

Ce que j’aurai aimé, ce qui m’a dérangé

Un point négatif mais qui n’a pas de lien direct avec le récit. Que le Monde entier lise ce livre et décide de changer pour éviter l’enlisement dans lequel nous sommes en train de glisser lentement mais sûrement.

Je citais comme points positifs les moments philosophiques et de réflexions. Malheureusement, ils sont parfois (trop) longs et cassent à certains moments le rythme déjà peu soutenu de l’ensemble du récit.

La fin, un peu balancée, comme pour trouver une fin plus ou moins cohérente avec les événements cités précédemment. Je n’étais pas convaincu.

Conclusion

Un livre qui traverse sans une ride chaque décennie. Un livre qui devrait être obligatoire à l’école (à la place des daubes que l’on nous oblige à lire à l’heure actuelle) pour faire prendre conscience aux jeunes générations que l’art, sous toutes ses formes, est un ciment de notre culture et de nos modes de vie. Un récit qui manque cependant de rythme, peu d’actions, mais qui apporte une véritable approche et une véritable réflexion sur notre société. Pas un coup de cœur car l’écriture parfois un peu surréaliste et d’époque m’a parfois un chouia bloqué, mais je le recommande malgré tout très chaudement à qui voudrait se lancer dans ce Must Have de la SF.

Note

7,5/10

Si vous avez apprécié cette critique (ou pas), n’hésitez pas à commenter. Si vous l’avez déjà lu ou si vous avez des questions spécifiques au récit, laissez une trace de votre passage 🙂

D’autres avis d’experts, c’est par ici –> Lorhkan, Le dragon galactique, le Bibliocosme, Alterran, le Chien Critique, La colline aux dragons, Pitiponks,…

32 réflexions au sujet de « Avis Lecture : Fahrenheit 451 (Ray Bradbury) »

  1. C’est vrai que ce livre aurait toute sa place à l’école, comme, par exemple, Des fleurs pour Algernon ou Le meilleur des mondes. Chacun dans leurs thématiques, ils sont très efficaces pour provoquer un débat/une réflexion nécessaire !

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    1. Je dois encore lire Ds fleurs pour Algernon et le Meilleur des mondes mais pour avoir lu leur résumé et les (très) nombreuses critiques, je pense en effet qu’ils ne feraient pas tâche dans un programme scolaire. Mais bon, ce serait intelligent de la part de ceux qui prennent des décisions alors penses-tu…. ^^

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  2. Trés, trés belle critique! J’ai du coup envie de lire ce classique qui m’effrayaot tant. Merci, je l’ai dans ma PAL numérique et maintenant je sais pourquoi!!! Une dystopie en avance et un perso super intéressant, je prends!

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    1. Ah on est très loin de ce que tu lis en ce moment, ça risque de te changer ^^ mais je pense que tu auras un avis très intéressant sur la chose, j’ai hâte de voir ce que tu en penseras. (Très) Content de t’avoir donné envie de le lire 🙂
      Merci beaucoup ❤

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  3. Critique bien détaillée.
    Personnellement ce livre fut un électrochoc, un effet Matrix comme tu dis.
    Après sa lecture j’ai éteins ma télé et ouvert plus de livres, c’était il y a plus de 10 ans maintenant, enfin je crois… J’ai adoré la manière dont l’auteur démonte subtilement la société de l’entertainment, le fait de placer des connaissances superficielles avant le savoir, avec les quizz et les clowns à la télé.

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    1. Merci ^^
      Oui c’est un livre un peu coup de poing et la clairvoyance de l’auteur est assez impressionnante surtout vis-à-vis de l’entertainment comme tu dis. Même si certains passages sont un peu abstrait, je pense qu’il est important d’analyser cette oeuvre pour prendre conscience que la société glisse vers ce qui est décrit dans le récit. Mildred est le parfait exemple je trouve de la zombification de la société (quand on voit les milliers de personnes dans la rue ou dans les transports en commun le nez collé sur leur smartphone à plus de 800€, je crois que beaucoup sont déjà devenus Mildred).

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  4. Je vois que tu le préconise aussi dans l’enseignement ! Tout à fait d’accord sur l’effet Matrix, c’est le choix entre la pilule bleue et la rouge ou on descend au fond du terrier pour suivre le lapin pour paraphraser ce film excellent

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    1. Oui, ce livre mérite vraiment sa place dans l’enseignement (plutôt que de lire des « le parfum » de Suskind ou je ne sais quel autre truc qui n’apporte rien aux enfants) pour faire prendre conscience de la place de la culture de la société.
      Oui et la petite Clarisse fait office de pilule finalement. Blanc, c’est le lapin blanc ! 😀 haha !

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  5. Ce qui est intéressant, c’est que Ray Bradbury n’avait pas le sentiment d’écrire de la SF. Pour lui, ses textes faisaient appel à l’imaginaire, mais plus dans un registre fantastique. Il l’explique dans la préface des Chroniques Martiennes, qui est à mon avis un ouvrage meilleur que Fahrenheit 451.

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    1. Oui, je crois qu’il ne savait pas à l’époque qu’il écrivait de l’anticipation réaliste ^^ À sa mort je me demande quand même s’il a repensé à ce récit et ce qu’il pensait du monde qu’il laissait derrière lui.
      Oui plusieurs disent que les chroniques martiennes est un roman d’une encore meilleure facture que Fahrenheit.

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      1. D’après ce que j’ai lu, c’est plus qu’il ne se reconnaissait pas dans la SF, qui était trop « sérieuse » (au sens de technique) par rapport à ses textes.
        Dans les Chroniques Martiennes il y a beaucoup d’exemples qui rapprochent plus le texte du surréalisme.

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