Avis Film : Grave

Titre original : Grave (« Raw » en Anglais, « Crudo » en Espagnol)
Genre : Horreur                           
Réalisateur : Julia Ducournau
Scénario : Julia Ducournau
Société(s) de production : Petit Film, Rouge International, Frakas Productions
Acteurs : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella       
Pays de production : France/Belgique  
Date de sortie : 2016
Durée : 98 minutes       
Budget : +- 3,5M€

Résumé :

Justine, 16 ans, végétarienne, intègre une grande école vétérinaire. Lors de son bizutage, elle est forcée de manger de la viande pour la première fois. Les conséquences sont alors inattendues…

Mon avis :

Un film dont j’avais entendu parler à sa sortie mais qui ne me chauffait pas plus que ça. Alors que je flânais sur Amazon Prime pour regarder les films qui allaient bientôt quitter la plateforme, j’ai vu que « Grave » en faisait partie. En regardant vite fait les critiques et le synopsis, je me suis dit que ça ne coutait rien d’essayer vu qu’il ne serait plus disponible après. Bien m’en a pris car ce film a réussi son pari, me mettre mal à l’aise du début à la fin (à défaut de m’avoir fait peur).

Bienvenue à l’université pour futurs vétérinaires.

Justine, jeune fille surdouée de 16 ans, issue d’une famille végétarienne, va entrer dans une grande université vétérinaire en Belgique, comme sa sœur avant elle. Comme toute bonne arrivée en début d’année, le bizutage arrive et les nouveaux élèves sont malmenés par leurs aînés (Ah ! En Belgique on ne déconne pas avec les bizutages et les baptêmes, ce qui aura conduit plusieurs étudiants à la mort par excès au fil des années). C’est lors de sa première soirée qu’elle retrouve Alexia, sa sœur complètement ivre. Le lendemain, tous les nouveaux reçoivent une douche de sang animal sur la tête et doivent avaler un morceau d’animal cru (des abats pour bien faire, sinon c’est pas drôle). Justine étant végétarienne, elle refuse mais ne trouve pas le soutien dont elle attendait de sa sœur et se voit « obligée » d’avaler la viande crue. Suite à quoi, la jeune fille va développer une réaction cutanée très virulente. Après sa visite chez le médecin qui lui diagnostique une intoxication alimentaire, Justine va se découvrir une fringale qu’elle n’avait pas avant, et particulièrement pour la viande crue.

Alors, aujourd’hui, porc, volaille, ou autre ?

Je ne vais pas plus loin dans le détail, même si le film date de 2016, car si vous deviez voir ce film, il faut l’avoir vu sans être spoilé. Déjà, on ouvre ce long-métrage sur une image en plan large et fixe d’une route express où l’on voit une voiture éviter une personne et se cracher gentiment sur un arbre, le tout sans bruit de fond, sans musique, ce qui indique que le visuel mais également l’ambiance va nous marquer tout du long. C’est un long métrage à l’ambiance sombre, où la moiteur des murs lors des soirées est presque palpable, où une scène sur deux nous met mal à l’aise de par son contexte ou par les agissements des personnages. Je pense à plusieurs plans sanglants avec Justine, ou lorsque cette dernière couche avec son colloque homosexuel, ou quand une fille va lécher la pupille de son mec en pleine soirée (merde, à quel moment on se dit que c’est excitant de faire ça ?) et j’en passe. La relation entre les deux sœurs est aussi malsaine car on ne comprend tout d’abord pas pourquoi Alexia repousse Justine pour ensuite passer à des moments de complicité (comment pisser comme un mec sur un toit, dans le genre malaisant c’est pas mal non plus). Arrivera enfin un événement (et quel événement !) qui chamboulera tout entre elles et l’on va commencer à comprendre ce qui se passe avec la grande sœur, mais également avec Justine. L’amour/haine entre elles va continuer mais Crescendo dans la violence et jusqu’au point de non-retour final. Peut-on dire que ce film est gore ? Non. Trash ? Pour certaines scènes, oui, légèrement. Le film reste cependant beaucoup plus malaisant qu’il n’est horrifique. Il ne fait pas le poids avec d’autres productions françaises comme « Frontières », « La Meute » ou encore « Martyrs » au niveau horrifique. Mais ce film est dans leur droite lignée s’agissant du côté glauque et du malsain et propose une horreur plus proche, plus authentique et moins Fantastique que ce que proposent les autres longs métrages précités. Il y a tout ce côté initiatique, la découverte de soi et de son corps, les premières fois, la désillusion ou encore la transformation par étape. Chocs psychologiques et horreurs corporelles vont se mélanger pour donner un résultat intense et dérangeant.

Une famille qui a du mordant…

Concernant les acteurs, on retiendra surtout la performance de Garance Marillier dont l’évolution au cours du film est assez impressionnante et nous immerge complètement dans ses moments de doutes comme de folie, du passage de la petite fille sage et surdouée à une sorteuse qui n’hésite plus à boire et fumer, devant faire face à une pulsion qu’elle contrôle à peine, le tout bien aidé par une image sombre et pesante avec des plans bien sentis de la caméra et le tout mis en valeur par le scénario de Julia Ducournau dont il s’agira là du premier long métrage. Le film aura reçu de nombreux prix lors de différents festivals comme le Grand prix ou Prix de la critique au festival international du film fantastique de Gérardmer en 2017 ou encore meilleur film étranger en coproduction aux Magritte du cinéma en 2018. Notons également six nominations aux César de 2018 mais sans en remporter un seul, ce qui n’enlève rien cependant à la réussite du film car être nommé est déjà une belle réussite. Ce premier long métrage de Julia Ducournau aura en tout cas fait débat dans le petit monde du septième art, notamment dans son approche de la sexualité et de la violence.

Titane, un autre film « coup de poing » de Julia Ducournau

Voyons ensemble les éléments positifs et négatifs :

Les + :

  • Une direction artistique soignée, des plans travaillés et une atmosphère oppressante et intense. Difficile de faire mieux dans le genre. Et quand on sait qu’il s’agit d’un premier film de la réalisatrice, on ne peut que saluer le talent de cette dernière.
  • Les acteurs, et plus particulièrement Garance Marillier, sont tous convaincants. Même le père des deux filles, qu’on ne voit pourtant qu’assez peu, tiendra son rôle avec un air faussement désabusé qui cache pourtant un problème plus profond.
  • Les thèmes abordés comme la désillusion, la transformation du corps et de l’esprit par étape, la pression sociale (le bizutage en est un parfait exemple) la découverte de ses limites, la famille et ses secrets… autant d’éléments qui d’ordinaire ne feraient pas forcément partie d’un film d’horreur mais qui là prennent tout leur sens et sont très bien travaillés.
  • Un film d’horreur spécial, qui joue avec les limites de l’horreur dans son authenticité, dans le corporel, comme une drogue dont on essaie de se désintoxiquer. C’est créatif et nous offre une autre sorte de proposition que ce que l’horreur a à nous offrir habituellement.
  • Là où des personnes mettraient ces éléments dans le négatif, moi je trouve justement qu’il s’agit d’un des gros plus du film, c’est sa capacité à nous maintenir mal à l’aise dans les trois quarts de sa durée.

Les – :

  • La narration du film peut être complexe et non linéaire, ce qui peut rendre l’histoire difficile à suivre pour certains spectateurs.
  • Certains passages qui, à mon sens, sont là pour en rajouter et accentuer l’effet de malaise alors qu’il est déjà très présent. Une impression de parfois vouloir trop en montrer, d’aller volontairement dans le trash pour la surenchère, la provocation.
  • La violence qui, encore une fois pour moi est un plus dans ce genre de film, aussi bien corporelle que sexuelle (attention, on ne parle pas de viol mais la scène de la première fois de Justine peut mettre mal à l’aise), peut mettre certaines personnes très mal à l’aise.

Conclusion

« Grave » de Julia Ducournau est un film d’horreur qui se démarque par sa singularité et sa capacité à choquer et provoquer. Le film brille par sa direction artistique soignée, ses jeux d’acteurs convaincants et son exploration audacieuse de thèmes profonds, y compris la transformation et la pression sociale. Il pousse les limites du genre de l’horreur en utilisant des éléments de violence graphique et d’horreur corporelle pour créer une expérience oppressante et dérangeante. Cependant, il est essentiel de noter que ‘Grave’ contient des scènes de violence choquantes et explicites, ainsi que des éléments de sexualité explicite, ce qui peut être perturbant pour certains spectateurs. La narration complexe et non linéaire peut également rendre le film difficile à suivre pour certains. Nous sommes dans la provocation, dans l’innovation, un film d’horreur qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs. Ce film ne cherche pas à apaiser les sens, mais à les secouer, à les forcer à réagir. Il suscite une réflexion sur des thèmes sombres, interrogeant la nature humaine et la transformation, tout en exposant la pression sociale et les attentes qui pèsent sur les individus. On ne ressort pas de ce film, du moins je crois, sans l’avoir dans la tête par la suite. C’est une expérience qui marque les esprits.« Grave » offre une expérience qui fera frissonner et réfléchir, tout en défiant les conventions du genre de l’horreur. Ce n’est pas tant le côté horrifique qui vous prendra à la gorge, mais surtout son côté glauque et malsain, présent dans la presque totalité du film. Bref, je recommande.

NOTE

8,5/10

BANDE-ANNONCE

Une réflexion au sujet de « Avis Film : Grave »

Laisser un commentaire