Avis Lecture : Sorceleur, Tome 3 : Le Sang des elfes (Andrzej Sapkowski)

Informations :

Édition : Milady/Bragelonne
Parution : 1996
Nombre de pages : entre 300 et 400 pages en fonction de l’édition
ISBN : Dépend de l’édition
Prix : Dépend de l’édition

Résumé :

Du beau royaume de Cintra, il ne reste plus que des ruines. L’empire de Nilfgaard a tout massacré et la reine Calanthe s’est jetée du haut des créneaux. Seule survivante, la petite princesse Ciri a réussi à fuir la capitale. Mais des espions sont aussitôt envoyés à ses trousses. L’enfant semble avoir un rôle crucial dans la destinée de ce monde… Geralt de Riv, le chasseur de monstres, l’a bien compris en recueillant la fillette. Conduite à Kaer Morhen, l’antre des sorceleurs, elle y est initiée aux arts magiques. Aidé par la magicienne Merigold, Geralt découvrira la véritable nature de l’enfant et l’ampleur de ses pouvoirs qui suscitent la convoitise : un mystérieux sorcier est à sa recherche et n’hésitera pas à menacer les amis du sorceleur pour arriver à ses fins…

« En vérité, je vous le dis, voici venir l’ère de l’épée et de la hache, l’ère de la terrible tourmente. Voici venir le Temps de Froid blanc et de la Lumière blanche, le Temps de la Folie et du Mépris, Tedd Deireádh, le Temps de la Fin. Le monde disparaîtra sous la glace et renaîtra avec le nouveau soleil. Il renaîtra par le Sang ancien, Hen Ichaer, la graine semée. La graine qui ne germera point, mais fera jaillir la flamme.
Ess’tuath esse ! Cela se passera ainsi ! Scrutez les signes ! Quels seront-ils ? Je m’en vais vous le dire… Tout d’abord, la terre sera noyée dans le sang Aen Seidhe, le sang des elfes…
– Aen Ithlinnespeath, La Prophétie d’Ithlinne »

Mes impressions,

Bien étrange que ce troisième opus de l’histoire du sorceleur qui tranche à plusieurs niveaux avec ses prédécesseurs. En effet, dans la saga du sorceleur Geralt de Riv, il s’agit du premier roman véritable qui ne sera pas découpé en nouvelles comme ce fut le cas avec les deux livres précédents. La narration se veut linéaire dans sa structure. De plus, si les tomes 1 et 2 étaient exclusivement consacrés à Geralt et à ses aventures, ce troisième livre prendra d’autres personnages comme protagonistes. Ainsi, Ciri (aussi appelée le « Lionceau de Cintra »), fille surprise du sorceleur, aura une place de choix dans la narration. Nous aurons également l’intervention de plusieurs autres personnages qui font leur retour (les indéboulonnables Yennefer et Jaskier ou encore le Nain Yarpen Zigrin) ou qui font leur apparition pour la première fois (les rois et reines des Royaumes du Nord, les sorceleurs de Kaer Morhen, Dijkstra l’espion, Filippa Eilhart la magicienne, Shani l’étudiante en médecine ou encore le groupe de non-humains rebelles les Scoia’tael et bien plus encore…). Du beau monde en perspective et des personnages qui sonnent comme un air de nostalgie pour celles et ceux qui ont joué aux jeux vidéo. Bref, on nous propose une exploration bien plus profonde des personnages et des relations que Geralt peut avoir avec chacun d’entre eux.

Au-delà des personnages, ce troisième tome prend également une tournure politique et militaire. Là où les deux premiers tomes se concentraient surtout sur les aventures individuelles de Geralt, la guerre de Cintra devient un élément central du roman, tout comme les guérillas et escarmouches contre les elfes rebelles Scoia’tael, et les choix de chacun auront des conséquences bien plus vastes. La menace de Nilfgaard pèsera également sur l’échiquier politique et c’est tout le Nord qui tremble tandis que les spéculations sur le Lionceau de Cintra bousculent toutes les discussions, preuve qu’elle est devenue un maillon central, aussi bien dans la vie du sorceleur que la politique de tout le Continent.

Le livre est divisé en sept chapitres. Comme pour les tomes précédents, je vous ferai un petit résumé de chaque chapitre (ce qui peut contenir des spoilers, vous êtes prévenus).

Le récit :

Chapitre 1

Jaskier termine son récit épique contant les aventures de trois personnages (un sorceleur, une magicienne et un enfant surprise) au pied du chêne de Bleobheris, rare lieu sur le Continent où il n’y a ni différence raciale ou de statut social entre les personnes séjournant dans la zone. A la fin du chant, tout le monde y va de ses spéculations. Bien que les trois personnages cités semblent assez facilement reconnaissables (Geralt, Yennefer et Ciri), les badauds, composés de commerçants, de chevaliers, de Nains, d’Elfes, de prêtres et autres, auront tous un avis sur chaque protagoniste et tous sont persuadés de détenir la vérité quant à leurs sorts (Ciri aurait été tuée lors de la prise de Cintra, Yennefer n’aurait pas survécu à l’assaut du mont Sodden, Geralt aurait finalement retrouvé le Lionceau de Cintra…). Bien que le pied du chêne de Bleobheris soit un lieu de paix et d’acceptation de tous sous la surveillance des druides, les tensions sont vives entre les différents intervenants et les débats sont relativement houleux. Cette introduction permet également de nous mettre dans le contexte géopolitique du monde dans lequel nous atterrissons.

Pendant ce temps, Jaskier en profite pour s’éclipser et rejoindre une taverne dont il connaît les moindres recoins (comprenez un bordel). Cependant, un homme l’a suivi et compte bien en apprendre davantage sur ce qui est arrivé aux différents protagonistes de l’histoire du poète, ce que ce dernier refusera en prétextant le secret artistique. L’homme deviendra très vite beaucoup moins amical et il faudra l’intervention inespérée d’une certaine magicienne pour que Jaskier évite le pire. Cependant, l’homme s’enfuit. Il s’appelait Rience.

Loin de là, Ciri, dont les cauchemars de la prise de Cintra la hantent chaque nuit, accompagne Geralt de Riv et découvre son nouveau chez elle, Kaer Morhen.

Chapitre 2

Triss Mérigold, une magicienne talentueuse connue de Geralt, arrive à Kaer Morhen à la demande des sorceleurs. Lorsque la magicienne rencontre Ciri pour la première fois, cette dernière entre en transe et se met à prophétiser, ce qui terrifie la magicienne mais lui donne un bref aperçu du potentiel magique de la gamine.

Une fois au château et qu’elle découvre le quotidien du Lionceau de Cintra dans la forteresse des sorceleurs, Triss invective ces derniers face à leur inaction. En effet, petite Ciri devient grande, entraînant avec elle les problèmes liés à ce changement d’état dont les chasseurs de monstres ignorent tout. Triss va imposer de nouvelles règles pour que Ciri, qui souhaite plus que tout devenir sorceleuse, puisse grandir normalement dans ce château froid et austère. La tension entre Triss et les sorceleurs (notamment Lambert) est aussi palpable que l’attirance de la magicienne pour Geralt qui repousse ses avances avec froideur. De ce qu’elle aura pu observer en côtoyant Ciri, Triss déduit qu’elle est une « Source », une personne aux capacités magiques innées qui fonctionne comme un « transmetteur », c’est-à-dire qui entre en contact avec la magie sans le savoir.

Chapitre 3

Triss apprendra, après une discussion relativement tendue, que la petite Ciri est entré en état de transe à trois reprises. Deux fois pas accident (en ayant bu une potion de sorceleur, l’Hirondelle), et une fois lors de ses cauchemars. Dans cette dernière, Ciri prophétise sa mort ainsi que celle de son mentor. La magicienne décide alors de prendre les devants. Elle provoque une nouvelle transe à la jeune fille en lui faisant boire à son insu de l’Hirondelle et entre en contact avec elle par la pensée. Elle y découvre un être extrêmement puissant lui annonçant que Ciri est l’enfant de sang ancien, la flamme blanche par laquelle le monde prendra feu et se consumera. Bref, l’avenir s’annonce radieux. En revenant à elle, Triss se rend bien compte que ses compétences sont limitées face à un tel pouvoir et, en accord avec Geralt, décide de faire appel à l’une des plus puissantes magiciennes de leur ère, Yennefer. Jusqu’au printemps et son départ pour le temple de Mélitele, le Lionceau de Cintra continue son entraînement pour devenir sorceleuse, apprend les botes secrètes de Geralt, découvre et différencie les monstres avec Vesemir, mémorise et restitue la langue ancienne avec Triss.

Cependant, une nouvelle discussion houleuse éclate entre Triss et les sorceleurs, et plus particulièrement Geralt, dans laquelle la magicienne ne comprend tout simplement pas leur mutisme et leur neutralité face aux événements qui se déroulent dans le monde, notamment des tensions et de l’éventuelle guerre qui va naître entre les royaumes du Nord et Nilfgaard. Quant à Ciri, elle avouera que son but est de se venger du soldat en armure noir et au heaume orné d’ailes pour qu’elle n’ait plus jamais peur.

L’entraînement des sorceleurs, c’est pas pour les petits oiseaux…

Chapitre 4

Alors que Triss, Geralt et Ciri se dirigent vers la Témérie, la magicienne tombe gravement malade et les compétences du sorceleur ne suffisent pas à la soigner. Ils croisent la route de Yarpen Zigrin et de sa bande, un nain et connaissance de Geralt, et font route ensemble avec la caravane qu’ils escortent. Pendant le voyage, Yarpen discute beaucoup avec le sorceleur et Ciri, parlant de la guerre, du racisme interracial et de la neutralité (encore) des sorceleurs dans un conflit qui engloutira tout le monde. Ils passent près des vestiges d’un ancien temple elfique : Shaerrawedd. Geralt explique alors l’histoire derrière Aelirenn, la femme elfe qui souleva son peuple (et notamment les plus jeunes) contre l’envahisseur humain mais ils furent tous massacrés et l’avenir de leur race mise en péril.

Le convoi est attaqué par les écureuils et une fois la bataille terminée et plusieurs de ses amis morts, Yarpen découvre que la caravane qu’il escorte était en réalité une mise en scène du roi Kaedwen pour vérifier à qui allait son allégeance. Il dira à la fin « Qu’avez-vous fait de nous ? ». Ensuite Triss est prise en charge pour être soignée et Geralt conduit Ciri au le temple de Mélitele.

Des Sco… des Scosco… Des scoatatata…. « soupir »

Chapitre 5

Geralt est payé pour escorter un navire marchand et sécuriser les passagers car un monstre roderait sur le Delta. Pendant la traversée, Geralt lit des lettres, notamment de Ciri qui lui explique ses péripéties au temple de Mélitele tandis que l’autre lettre provient de Yennefer. Cette dernière est plutôt acide dans ses propos mais accepte la demande de Geralt quant à la prise en charge de Ciri, aussi bien dans son éducation que dans l’apprentissage de la magie vu que Ciri semble posséder des dons hors du commun.

Geralt apprend que des témériens posent des questions sur un certain sorceleur accompagné d’une fillette aux cheveux cendrés. Toutes les puissances sont à la recherche du lionceau de Cintra et plus particulièrement un certain Rience. Pressé par les gardes témériens, le monstre du Delta, qui se trouve être une Aeshna (ou « Grande Demoiselle ») décide d’attaquer au même moment l’embarcation. Geralt en fait son affaire mais les gardes qui voulaient l’emmener sont tous morts.

Nous nous retrouvons ensuite à Oxenfurt où notre bon vieu Jaskier doit se débrouiller pour esquiver des espions. Ils le rattrapent malgré une pirouette du côté de l’université, et est amené à Dijkstra, le chef des services secrets du roi Vizimir de Rédanie. Il fera également la rencontre de Filippa Eilhart, sorcière de la loge des magiciens et conseillère du roi Vizimir, Ces derniers, comme tout le reste du Continent, veulent Ciri et découvrir pour Nilfgaard veut autant mettre la main sur cette fille. Il retrouve plus tard Geralt en plein moment intime avec Shani, amie de Jaskier et étudiante à l’université. Ils vont découvrir où se cache Rience.

C’est moche… mais pas autant que l’étron pondu par Netflix ^^

Chapitre 6

Gros chapitre politique entre les différents dirigeants des royaumes du Nord en discutant notamment des raids des non-humains qui seraient orchestrés par Nilfgaard. Il est question de reprendre Cintra et de discuter du sort de la petite-fille de Calanthe, la Lionne de Cintra, Ciri. Les magiciens ont vent de cette réunion « secrète » tout comme Emhyr van Emreis qui va semer le trouble et la discorde entre les dirigeants du Nord et les magiciens.

Pendant, ce temps, Geralt et compagnie vont chez un guérisseur qui a eut contact avec Rience et notre sorceleur va alors se retrouver seul face au magicien et ses sbires. Il est à deux doigts de le tuer quand Filippa Eilhart intervient et le laisse s’échapper.

Nilfgaard va-t-il conquérir les Royaumes du Nord ?

Chapitre 7

Yennefer se rend au temple où se trouve Ciri et lui fait passer des tests pour connaître ses aptitudes magiques. En effet, Geralt ne s’était pas trompé et il semble que la jeune fille soit prédisposée à réaliser de grandes choses. Bien que conflictuelle au début, la relation entre Ciri et Yennefer va peu à peu changer lorsqu’elle se seront jurées d’être sincères l’une envers l’autre. Viennent alors les premiers questionnements de Ciri concernant la sexualité, la magicienne veut en apprendre plus sur le passé du lionceau de Cintra et nous apprenons ce qui est arrivé aux parents de cette dernière. Elles vont également discuter de Geralt, celui qui les a réunis et qui les lie. Une vraie relation mère-fille commence à s’installer entre elles, un lien qui ne se brisera plus jamais.

À la fin, Yennefer et Ciri apprennent que la guerre entre les royaumes du nord et Nilfgaard va éclater. Elles doivent faire leurs affaires et quitter la région, discrètement.

Conclusion

« Le Sang des Elfes » est un tome pivot dans la saga du Sorceleur. En plus d’être le premier « vrai » roman linéaire de la saga, il marque le début des aventures de Geralt, Yennefer et Ciri et lève le voile sur certains mystères entourant leur destin. Les personnages évoluent et se révèlent davantage, tandis que l’intrigue principale se déplace vers la guerre à Cintra et ses conséquences. L’action est présente, mais l’accent est également mis sur les relations et les développements émotionnels des personnages tout comme sur les enjeux politiques. Ce tome marque surtout un tournant dans l’histoire de tous ces personnages. Il élargit l’univers du Sorceleur, approfondit les personnages et les enjeux, tout en maintenant une atmosphère sombre et mature qui caractérise la saga. Les lecteurs sont entraînés dans un récit de fantasy épique, où la magie, la politique et la destinée des personnages s’entremêlent pour créer une histoire riche et immersive. Ce livre sert de plateforme pour les événements à venir, suscitant l’anticipation et l’excitation pour la suite de l’aventure. On notera cependant un manque assez frustrant d’action, on délaisse en partie l’aspect chasseur de monstre pour se concentrer sur les dialogues, les pouvoirs de Ciri, la neutralité des sorceleurs et la politique globale. Beaucoup pourraient s’ennuyer en lisant ce livre mais il est néanmoins nécessaire pour la mise en place des enjeux politique, le rôle central qu’occupe Ciri et l’apparition de personnages qui deviendront récurrents et importants au fil de la saga.

Note

7,5/10

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