Informations :
- Édition : Paul&Mike Éditions
- Parution : 2018
- Nombre de pages : 248 pages
- ISBN : 9782366511079
Résumé :
« Un médecin de Montréal se rend tous les mois à Grand Soleil, un village perdu dans le Québec arctique. Docteur de l’âme autant que du corps, il y rencontre Cléophas, un patient particulier. Conservé par le froid qui a saisi cette partie du Canada, l’homme de Grand Soleil a vécu caché, il n’a rien écrit, rien accompli de notable et personne ne le connaît. Pourtant son apparition va tout bouleverser, sous le regard impuissant du médecin, témoin d’un monde qui se délite. »
« On ne rencontre réellement quelqu’un qu’à partir du moment où il a besoin de nous. »

Mes impressions, au Québec il ne fait pas froid, il fait frette !
Eh bien, en voilà une lecture inattendue. Lu dans des conditions un peu particulières, je n’aurai probablement jamais entendu parler de ce livre si je ne l’avais pas reçu dans le cadre d’un concours. Je vous passe les détails superflus mais l’ironie de la situation était un parfait parallèle avec le ton du texte de ce livre pour le moins déroutant, autant par le style que par les sujets soulevés.
Le narrateur est un expatrié français qui, pour éviter d’être dégagé du Québec, doit partir soigner 300 personnes 1x par mois dans un village reculé, mais quand je dis reculé c’est plusieurs heures d’avion, de 4×4 et débarquer en hélico sur place, nommé Grand Soleil. Puis, le nom de ce lieu est bien trompeur lorsque l’on se rend compte qu’il fait là-bas -30, -40, -50 degrés ! Aaahh, tu as voulu savoir, mon petit, c’est le Noooorrdd ! Ahem… Bref, il fait frette ! Mais lorsque le narrateur ausculte un patient dont le mal lui est inconnu, ses recherches vont le pousser à découvrir quelque chose de vraiment incroyable, une découverte qui va changer la face du monde. Pour le meilleur ou pour le pire ? L’humanité choisira pour vous, même si vous pensez avoir votre mot à dire sur la question 😉
De là, on va suivre l’entièreté de la pensée du narrateur qui dépeint sans cesse le décor qui l’entoure de manière désabusée sans être méprisant. Toute la science et la culture de l’auteur découle dans les réflexions de son personnage. Un livre intelligent, joie ! Parfois trop, et je n’ai pas toujours saisi toutes les subtilités du texte. Mais une chose est sûre, c’est que j’ai énormément apprécié le cynisme, l’ironie et l’humour noir qui se dégage de cette histoire insolite. Pour exemple, comme je l’ai cité plus haut, il y a un événement qui va chambouler le monde (non, pas l’élection de Trump qui aura lieu dans le livre) mais je ne peux pas vous le dire sans spoiler l’ensemble du livre. Et de cette révélation, il va observer le monde partir totalement en cacahuète. Comme le narrateur le mentionne si bien, « l’Homme peut toujours aller plus bas« . Il y a bien sûr la façon dont le narrateur pense qui est particulièrement drôle, des digressions hilarantes, parfois lourdes (comme un passage particulièrement long sur Heidegger et la théorie des éléments finis ou quelque chose dans ce goût-là), mais surtout il y a une superbe réflexion sur le genre humain et son rapport avec ses semblables et face à l’inconnu, de sa capacité d’adaptation au changement. Le narrateur part parfois dans des gros « bad trip ». Je me sentais proche de lui car j’ai souvent le même type de pensées que lui (mais en moins intelligent haha !). Proche dans les réflexions et dans la vision de ses comparses que sont les êtres humains. Les comparaisons des cultures sont drôles et bien retranscrites même si c’est parfois très cliché, mais on s’en fiche car c’est bien amené. Les expressions québécoises ne sont pas légion car le narrateur ne côtoie que peu de locaux finalement.
Bon, le livre n’a pas que des côtés positifs n’est-ce pas ? J’ai déjà mentionné les digressions parfois lourdes mais je développerai le reste un peu plus bas.
« Sans l’ironie, le monde serait comme une forêt sans oiseaux. C’est d’Anatole France. »
Les personnages, Melting Pot à Montréal
Le personnage principal se dévoile petit à petit au fil du récit, je ne vais donc pas tout spoiler d’un coup, sinon c’est plus drôle. Mais sachez au moins que l’homme (car c’est un homme) est médecin itinérant, célibataire et a immigré au Québec. Son cynisme est dû à un événement du passé qui lui fera perdre foi en l’humanité (même s’il prétend le contraire de manière très sarcastique). Ses réflexions sont très poussées et désabusées.
Le reste n’est qu’accumulation de personnages d’ethnies très différentes (très peu de locaux comme je l’expliquais plus haut). Nous avons l’ami Julien, français expatrié également, musicien de talent, écrivain d’œuvres à l’eau de rose pour les femmes en manque d’amour, et à ses heures perdues il aime courir la gueuse tout en se livrant à une débauche extrême. Le propriétaire juif de l’appartement du narrateur, Mr. Zimaly, très porté sur la pureté et le respect de Shabbat.
Notez également la présence de nombreux autres personnages comme des confrères, des anciens amis, des assistant.e.s, François Robitaille (Prof à l’unif de McGill et l’un des uniques locaux que cotoie le narrateur), Alexandre Dagens (ami libraire de Bordeaux), Amar le laborantin, le rhumatologue Busset ou encore l’enquêteur italien Dominique Ricone et bien d’autres.
Et n’oublions pas surtout pas Cléophas, un colosse habitant Grand Soleil et malade, et une femme qui prend soin de lui (répondant au nom de Germaine si j’ai bien pris note), les derniers survivants d’une étrange communauté et qui sont donc les ultimes gardiens d’une lointaine mémoire. C’est deux personnages sont des éléments clés du récit pour de nombreuses raisons que je vous laisse découvrir par vous-même.
« Avant, on craignait les hommes politiques qui ne tenaient pas leurs promesses, maintenant, on a peur de ceux qui les respectent. Le monde va dans le bon sens. »
Ce que j’ai aimé
- Le concept d’un médecin itinérant qui doit aller dans le fin fond du désert neigeux pour ne pas être expulsé du territoire, le tout au Québec. Cadre moins bucolique qu’il n’y paraît mais cela change des mondes imaginaires dans lesquels je me noie à volonté. Un véritable voyage touristique. Vive le Canada.
- Des phrases cultes. J’ai souligné de nombreuses citations qui m’ont bien fait sourire. Généralement, lorsque vous soulignez beaucoup de phrases qui vous marquent, c’est bon signe.
- Le texte tout simplement. Très humoristique, sarcastique. C’est incisif, ça part en cacahuète parfois, des digressions improbables,… On notera cependant un ton un peu plus noir, un peu plus mélancolique et désenchanté à partir de la deuxième moitié du livre. Il n’empêche que j’ai bien rit à certains passages et ça fait du bien !
- Lire la société, comment elle est dépeinte dans ce texte, fait réfléchir à nos modes de vie, à l’importance que l’on accorde à des broutilles, à du superficiel alors que nous oublions tous l’essentiel. Une vision qui, bien que fictionnelle, pourrait terriblement ressembler à la réalité si les événements décrits se produisaient. Un vrai livre de réflexion finalement.
Ce que j’aurai aimé, ce qui m’a dérangé
- La couverture qui, à mon sens, n’est pas ce qu’il y a de plus sexy pour mettre en avant le livre. Mais comme on dit, les goûts et les couleurs,…
- Un point négatif qui dépend vraiment de comment chacun aborde le livre. Le ton toujours très désabusé, très satirique de la société, même si l’humour prend toujours le dessus, risque d’en laisser quelques-uns sur le carreau. De même pour certaines digressions. Comme mentionné, la partie avec Heidegger, j’ai failli perdre le fil car la réflexion partait très (trop ?) loin.
- On aurait peut-être souhaité un épilogue, savoir ce que devenait le monde ou le narrateur après la fin de sa rédaction. C’est quelque-chose qui manque selon moi, pour vraiment ponctuer le livre.
- Je chipote mais je dirais que parfois, la ponctuation n’était pas optimale (surabondance d’utilisation des « , » par exemple). Une autre remarque très légère, on a peu de contacts avec les québécois et donc on aurait adoré lire plus d’expressions typiques. Mais bon, c’est pas pire 😉 Je chipote comme je dis.
Conclusion
Un OVNI littéraire qui tombe dans mes mains dans des circonstances improbables. Une lecture surprenante. Un style humoristique et désabusé qui vous arrachera des sourires, si pas des rires. Des digressions à vau-l’eau qui peuvent vous faire réfléchir, ou vous faire perdre le fil de votre lecture. Un texte proposant une véritable réflexion sur la façon dont tournerait le monde si un événement majeur venait remettre en cause ce que vous êtes, ce que vous avez toujours cru être. Et lorsqu’il découvre qu’il n’est plus seul, l’Homme, dans sa globalité, est prêt à partir vers tous les extrêmes. Bref, un livre spécial, un peu comme une montagne russe de réflexions sur le monde tel qu’il est et ce qu’il pourrait être. Vous suivrez les pérégrinations d’un médecin itinérant français expatrié au Québec, vous suivrez ses pensées et ses découvertes. Blasé de la vie ? Lisez ce livre. Vous le serez encore plus, mais avec un début de sourire à la commissure des lèvres. Un livre qui ne plaira pas forcément à tous à cause des digressions parfois trop profondes, mais qui ne pourra pas vous laisser indifférent sur votre vision du genre humain.
Note
7,5/10
Si vous avez apprécié cette critique (ou pas), n’hésitez pas à commenter. Si vous l’avez déjà lu ou si vous avez des questions spécifiques au récit, laissez une trace de votre passage 🙂
Intéressant et surprenant comme texte ! Pas trop ma came mais ta chronique est bien rédigée ‘)
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Merci beaucoup 🙂
oui je me doute que c’est pas ton kiffe et de prime abord pas le mien non plus, mais on se laisse surprendre par ce coté désabusé très amusant. Mais il faut se prêter au jeu. Moi c’était totalement mon délire même si comme je le souligne certains passages allaient trop loin dans la réflexion.
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Pour le moment je t’avoue ce n’est pas ce dont j’ai besoin comme lecture mais ça ne m’a pas empêché de trouver ta chronique intéressante et intrigante ^_^
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