Avis Lecture : L’armée des veilleurs, Tome 1: Les Frontières Liquides (Jérôme Nédélec)

l-armee-des-veilleurs,-tome-1--les-frontieres-liquides-1043583

Informations :

  • Édition : Stéphane Batigne Éditions
  • Parution : 1 Octobre 2017
  • Nombre de pages :  473 pages
  • ISBN : 979 10 90887 58 9

Résumé :

À la toute fin du IXe siècle, Vikings et Bretons se font face de part et d’autre du fleuve.

Deux peuples, deux armées, deux soldats, deux hommes, prêts à s’affronter dans un déferlement de métal et de feu. Mais pour quoi au juste ? Pour un surcroît de richesses ? La possession d’un territoire ? La fidélité à un chef ? Ou parce qu’il n’y a pas d’autre choix ?

Alors que les armes s’aiguisent, que les stratégies s’élaborent, que les peurs s’exacerbent, l’esprit d’une petite fille dotée de pouvoirs mystérieux vole au-dessus du champ de bataille et s’insinue dans l’âme des belligérants, tentant de dessiner un destin différent de celui qu’espèrent les guerriers.

Ce formidable roman historique, teinté de fantastique, met en scène de façon magistrale le combat mené par les Bretons pour défendre leurs terres contre les Vikings. Une histoire à couper le souffle, au cœur du haut Moyen Âge.

Auteur, un viking français passionné d’Histoire

« Très actif sur la scène musicale traditionnelle bretonne pendant de nombreuses années, que ce soit comme instrumentiste, producteur, disquaire ou professeur de guitare, Jérôme Nédélec s’est ensuite tourné vers l’écriture. Il a publié plusieurs nouvelles avant de se lancer dans une trilogie historico-fantastique, L’Armée des Veilleurs, dont Les Frontières liquides, à paraître chez Stéphane Batigne Éditeur en octobre 2017, est le premier tome.

Puisant dans sa passion pour l’histoire, l’archéologie, les mythes et les mondes de l’imaginaire, Nédélec crée des textes fortement influencés par la culture populaire, faisant référence à son amour du cinéma, de la littérature de genre et de la BD. »

Jérôme Nédélec

Acquisition du livre

Peu de temps après m’être inscrit sur WordPress, j’avais remarqué les différentes critiques de mes confrères concernant ce livre à la couverture et au titre intrigants. Suite à l’un de mes commentaires, l’auteur est venu vers moi en proposant son livre en service-presse…Joie ! Vu les bonnes critiques de chacun, j’acceptais avec gratitude cet envoi et remercie encore aujourd’hui l’auteur pour sa démarche et pour m’avoir offert la possibilité de lire son oeuvre (on ne dit jamais assez merci).

Titre, couverture et quatrième de couverture, une invitation pleine de mystères

Le titre est très énigmatique. Il permet au lecteur de s’imaginer des dizaines d’histoires différentes et propose un souffle Fantastique.

La quatrième de couverture est bien pensée. Elle n’en dit pas trop et permet de placer le contexte : Quand ? Qui ? Où ? avec en prime une petite part d’inconnue avec la fille aux pouvoirs mystérieux. Une vraie invitation à la lecture.

La couverture, si on la regarde de loin sans y prêter attention, peut ressembler à s’y méprendre à une jaquette d’un film médiéval de série B de qualité un peu douteuse. En se rapprochant, on peut voir que l’image propose vraiment quelque chose d’intéressant pour le lecteur potentiel. Même s’il s’agit d’une superposition d’images, le travail est bien effectué et soulève les interrogations. La vue à la première personne, comme-ci vous, lecteur, étiez au combat face à ce viking sauvage, est une proposition vraiment spéciale. Louise Bastet arrive à donner à l’ensemble ce côté brumeux, très mystérieux et irréel propre à cette période sombre de l’Histoire et des invasions vikings dans les régions bretonnes, terres où se mêlent surnaturel et légendes. Une belle réussite.

Un dernier mot sur l’objet livre qui est de bonne facture, un carton solide et résistant, le tout n’ayant rien à envier aux livres de maisons d’éditions plus réputées.

Résultat de recherche d'images pour "les frontières liquides"

Mes impressions, un récit proposant une lecture sur différents niveaux

Les vikings contre les bretons, les barbares païens contre les bons chrétiens. Deux points, deux mesures, deux histoires qui s’imbriquent pour n’en former qu’une, avec en annexe une troisième qui mènera un combat différent et reliera les deux autres.

Nous suivrons les aventures de deux protagonistes. L’un du côté des Morlaerien (ou vikings) qui sera souvent en mouvement en tant qu’éclaireur pour la future invasion et frère d’un chef nommé Rolarfh, dit le Corbeau. L’autre du côté breton, un soldat de 17 printemps (quasi 18) qui devra organiser les défenses et la construction d’un castel avec les bons conseils d’un prêtre pour bloquer l’invasion barbare en plus de devoir entraîner une vingtaine de jeunots envoyés en « renforts » pour soutenir la résistance avant que la grande armée n’arrive.

L’un est en roue libre, l’autre est en huit-clos. L’un devra faire avec les machinations tordues de son frère à l’ambition démesurée, l’autre devra faire face à l’esprit retord des nobles. Leurs destins sont étroitement liés et ce grâce à une mystérieuse petite fille qui possède des dons surnaturels. Ce personnage intriguant est d’ailleurs le troisième protagoniste et se nomme Ouregann.

J’ai vraiment apprécié cette lecture qui peut se lire sous différents axes comme le côté Fantastique et le côté purement historique. Pour un premier roman, c’est une belle réussite même si je m’attendais peut-être à plus d’épique. Je m’attendais peut-être à une lecture à la Abercrombie mais version francophone mais ce ne fut pas le cas. Il n’y a pas d’actions non stop ni d’énormes magouilles à gogo qui font le succès des dernières séries (aussi bien littéraires que télévisées). C’est avant tout une aventure très humaine où chaque protagoniste doit trouver sa place dans des événements qu’ils ne contrôlent pas, le tout dans une fresque historique de grande qualité.

« Pour nous hommes du Nord, le chrétien est un animal étrange…Il redoute les punitions du Dieu qu’il s’est créé, tout en les pensant légitimes et méritées. La faiblesse d’un tel peuple est de croire que son destin est écrit par un autre. Notre force à nous est de ne pas nous laisser dicter nos actions par quiconque. L’homme livre ouvre sa voie, dût-il le faire à grands coups de hache et d’épée dans la friche de sa propre existence. »

Résultat de recherche d'images pour "les frontières liquides"

Les personnages, Hasten chez les Bretons

Les personnages sont la vraie force de ce bouquin. Bien construits et avec une évolution psychologique tout à long du récit très travaillée, même les personnages secondaires jouent leur rôle avec efficacité.

Dans les personnages principaux nous retiendront bien entendu le narrateur viking, Hasten. (Demi) frère de Rolarfh le Corbeau (ils se surnomment Huginn et Muninn en référence à la chanson des deux corbeaux perchés sur les épaules d’Odin), sa vision de la guerre et de ce qui se joue dans le récit est peut-être LA bonne surprise du roman. Alors qu’il n’aspire qu’à rentrer sur ses terres, sa loyauté pour son frère le poussera à risquer sa vie pour envahir un pays breton en proie aux luttes intestines, laissant le pays à la merci de celui qui osera tendre la main pour s’en emparer.

Le « narrateur » breton est le petit rigolo du récit. Très mature du haut de ses 18 ans, ses vannes douteuses et sa vision de la religion sont des points forts également. Lorsqu’il rencontrera l’amour et que la bataille approchera à grands pas, l’on ne pourra s’empêcher de s’identifier à ce pauvre bougre, avec ses peurs et ses doutes. Cependant, je trouve qu’il est peut-être un chouia dépassé par le bon prêtre Golven, qui est un puits de science militaire et qui possède toujours une parole sage pour remettre tout le monde sur le bon chemin. Petite particularité de ce narrateur, on ne connaîtra pas son prénom (ou alors, je l’ai loupé).

Enfin, Ouregann, fille mystérieuse qui doit combattre le mal sous une forme différente, peut permettre à son esprit de s’envoler et de percer à jour l’âme de chacun. Les chapitres la concernant sont amenés différemment des deux autres, le titre proposant à chaque fois un animal différent (le cycle des métamorphoses oubliées). Ex : Je suis roitelet. Je suis bœuf, Je suis loup,… Ses chapitres sont de loin les plus compliqués à cerner, mais le texte en est le plus beau.

Les personnages secondaires sont très présents et agrémentent le récit de leur subtilité (ou leur manque, c’est selon), de leur expérience, de leur projets,… La belle et jeune rousse Arganthaël, le commandant Luern, le laeknir Seidh, le mac’thiern Pewntelwen et ses fils, le géant Mjöllnir, Grim l’arracheur de doigts,… et encore bien d’autres qui apporteront chacun leur pierre à l’édifice.

« Ceux qui ont peur de tout ont surtout peur d’eux-mêmes…effrayés qu’ils sont à l’idée que le monde ressemble réellement à l’image qu’ils s’en sont faite. »

Résultat de recherche d'images pour "les frontières liquides"
Hasten

Ce que j’ai aimé

  • La couverture et l’objet livre de belle facture pour une maison d’édition qui m’était inconnue jusqu’alors .
  • Des personnages forts.
  • Une plongée dans l’Histoire et d’une époque sombre dont on ne s’intéresse pas suffisamment (en Belgique en tout cas on en parle rapidement au cours d’Histoire mais sans plus). La qualité des recherches historiques de l’auteur est impressionnante.
  • Un récit « gris ». Pas de manichéisme, pas de blanc ou de noir. Chaque camp a ses torts et ses raisons, chaque homme possède ses forces et ses faiblesses, chaque âme enfouit au plus profond d’elle-même une histoire qui n’appartient qu’à elle seule. Les Héros n’existent pas et chacun fait ce qu’il doit faire pour survivre.
  • Une écriture de haute volée. On n’atteint pas encore le niveau de Stefan Platteau, mais il y a un mélange de poésie, de mystère dans les mots et les phrases, il y a de la gouaille, un subtil assemblage qui donne au tout une harmonie de qualité et qui nous fait indubitablement dire : « Whoua ! L’auteur il en a dans la plume ! »
  • Un lexique qui fait du bien à la lecture et au moral. Je repense à ma lecture de Manesh où j’ai littéralement été laissé sur le côté car je n’arrivais pas à saisir tous les mots spécifiques que l’auteur utilisait.
  • Une Fantasy « différente » de par son contexte et sa narration.
  • Une parfaite distinction lors des changements de narrateurs, avec une vraie différence dans l’écriture pour chacun d’entre eux (l’expérience et le froid qui émane du discours d’Hasten, les plaisanteries et l’apprentissage du narrateur breton, et enfin les pensées mystiques pleines de poésie de la petite Ouregann).

Ce que j’aurai aimé, ce qui m’a dérangé

  • Grand amateur d’action, de sang et de BAGARRE ! (Han, désolé !), je n’ai malheureusement eu que quelques pages pour satisfaire ma soif. Quelques scènes de combats (très détaillées) par-ci par-là et une bataille finale trop courte à mon goût. Le sentiment d’une fin bâclée m’ennui quelque peu. Mais bon, dans une véritable guerre, il y a 90 à 95% de préparatifs, et seulement 5 à 10% de combats.
  • Le langage parfois soutenu du narrateur breton qui, malgré une éducation chez les prêtres dans sa jeunesse, reste tout de même un soldat avec ce qui implique de vocabulaire et de façon d’être (parfois, j’avais l’impression de lire un philosophe lors de ses débats avec Golven). Il présente également un aspect trop « sage ».
  • Des périodes de complots un peu stériles. Même si la traîtrise d’un breton est bien amenée, je trouve que les manœuvres secrètes du Corbeau n’apportent pas grand chose au final. L’on aurait pu croire que Trihoiarn le noble ou encore son fils Maelcar allaient mettre plus de bâtons dans les roues ou tisser des plans pour se venger, mais finalement il ne s’est pas passé grand chose.
  • Quelques longueurs ou répétitions qui empêchent à mon sens la possibilité d’un rythme plus soutenu, plus vif.

Points neutres, interrogations

  • Bon, je suis parfois resté un peu sur le côté de la route car je n’ai pas su me représenter le castel que le bon Golven a construit. Ce détail m’a empêché de vraiment visualiser l’action lorsqu’elle se présentait. Un petit schéma en début de récit aurait été d’un grand renfort pour moi. Mais d’autres ont très certainement très bien imaginé les scènes et les fortifications. Faut dire que je suis très mauvais en architecture ^^
  • Le lexique. Même s’il est d’une grande aide, j’ai un peu grimacé à devoir faire les aller-retour jusqu’à la fin du livre. Je suis plus partisan des notes en bas de page avec un récapitulatif final (le gars pas chiant tu vois ?). L’exercice était un peu fastidieux, surtout au début. D’autres préfère cette façon de procéder et je comprends tout à fait.

Conclusion

Au final, et malgré quelques petits points négatifs et certaines interrogations soulevées, nous avons entre les mains un livre qui vous invite à plonger tête baissée dans un pan de l’Histoire où païens et chrétiens se mettent sur la tronche, où la Bretagne est menacée par une invasion viking alors que ses terres sont déchirées par des luttes intestines. Le tout est porté par une écriture remarquable, une précision historique de qualité et teinté de Fantastique pour apporter à ce premier tome des bases à solides pour la suite. Une nouvelle trilogie à suivre. 

Note

8/10

Si vous avez apprécié cette critique (ou pas), n’hésitez pas à commenter. Si vous l’avez déjà lu ou si vous avez des questions spécifiques au récit, laissez une trace de votre passage 🙂

D’autres avis d’experts, c’est par ici –> Lutin82, l’Ours Inculte, Celindanaé, Ombre Bones, Boudicca, Lecture 42, Blackwolf,…

15 réflexions au sujet de « Avis Lecture : L’armée des veilleurs, Tome 1: Les Frontières Liquides (Jérôme Nédélec) »

    1. Le côté Fantastique n’est pas prédominant mais apporte une vraie valeur ajoutée en plus d’un teinte poétique. Et pour le côté historique ce n’est pas un long documentaire avec un empilement de faits, non c’est maîtrisé et dosé. Mais après c’est sûr que c’est une lecture qui ne plaira pas forcément à tout le monde mais elle vaut le coup rien que pour la plume de l’auteur.

      J’aime

  1. J’ai lu et beaucoup aimé ce livre, je crois que tu avais vu passer ma chronique et que tu as découvert le roman comme ça ! Je te rejoins sur de nombreux points même si je vais en nuancer un. Comme toi, j’aime l’action, la baston, tout ça, mais j’ai aimé lire un roman différent qui reste dans un domaine militaire sans forcément se perdre dans des batailles épiques qui manquent parfois de crédibilité. Ce fut une bonne surprise et je suis contente de lire que tu as toi même apprécié le voyage ^_^

    Aimé par 1 personne

    1. En fait j’avais vu passer la critique chez Lecture 42, Lutin82 et l’Ours Inculte et quand j’ai commenté ton article, l’auteur m’avait déjà envoyé son livre en SP, ta critique avait achevé le travail en me confirmant qu’il fallait que je le lise rapidement ^^
      Je comprends ton point de vue et de toute façon, le choix de combats par escarmouches et une seule « grande » bataille finale est logique par rapport au contexte historique. Et comme tu le dis cela change des combats épiques auxquels on est habitué.
      Je suis content que nous ayons apprécié tous les deux ce livre 🙂

      Aimé par 1 personne

  2. C’est très original d’ajouter une touche de fantastique à un roman historique; la couverture du livre me plaît beaucoup. C’est drôle, mais je suis moi-même auteure d’une trilogie historique racontant l’épopée des Vikings dans l’Europe carolingienne; dans mon second tome j’aborde la lutte des Bretons contre les envahisseurs barbares, mais mon propos étant plus large, ce n’est qu’une partie de l’intrigue. En tout cas, merci à toi pour le partage; je suis curieuse de découvrir cette oeuvre. Je note

    Aimé par 1 personne

    1. Je ne peux que te le conseiller et d’éventuellement prendre contact avec l’auteur sur Facebook qui est très ouvert et sympathique. Il n’hésitera pas à te donner des précisions si tu en as besoin car il s’est vraiment spécialisé dans cette partie de l’Histoire et sur les vikings plus particulièrement.
      Merci à toi pour ton retour 🙂

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire