Avis Lecture : L’Épée brisée (Poul Anderson)

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Informations :

  • Édition : Le Livre de Poche
  • Parution : 14 septembre 2016 (Parution originale : The broken sword (1954))
  • Nombre de pages :  384 pages

Résumé :

Voici l’histoire d’une épée qu’on dit capable de trancher jusqu’aux racines mêmes d’Yggdrasil, l’Arbre du Monde. Une épée dont on dit qu’elle fut brisée par Thor en personne. Maléfique. Forgée dans le Jotunheim par le géant Bölverk, et appelée à l’être à nouveau. Une épée qui, une fois dégainée, ne peut regagner son fourreau sans avoir tué. Voici l’histoire d’une vengeance porteuse de guerre par-delà le territoire des hommes. Un récit d’amours incestueuses. De haine. De mort. Une histoire de destinées inscrites dans les runes sanglantes martelées par les dieux, chuchotées par les Nornes. Une histoire de passions. Une histoire de vie…

Auteur, 

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Bristol, Pennsylvanie , le 25/11/1926
Mort(e) à : Orlinda, Californie , le 31/07/2001

Biographie :

« Poul William Anderson est un écrivain américain de science-fiction et de fantasy.

Il est né de parents d’origine scandinave. Sa mère était danoise, et son père suédois. Sa jeunesse se passe dans le middle-West américain, ce qui explique, tout au long de sa carrière, de nombreuses références dans ces livres au monde paysan et rural.

Il suit des études de physique à l’Université du Minnesota et, pour payer ses études, publie son premier texte « Tomorrow’s children » (« Les enfants de demain ») en mars 1947 dans le magazine Astounding. Il obtient son diplôme une année plus tard.

Dans les années suivantes, il s’installe à San Francisco où il continue à écrire des nouvelles soit seul, soit en collaboration (particulièrement avec Howard Waldrop, Gordon R. Dickson ou Karen Kruse qu’il épousera et avec qui il aura une fille, Astrid, mariée avec l’écrivain Greg Bear).

Ce n’est qu’en 1952 que parait son premier roman, « Vault of the ages », qui est un livre pour enfants. Son premier roman de science-fiction, « Brain wave » (« Barrière mentale »), ne sera publié que deux ans plus tard.

Durant sa carrière, il écrit plus d’une centaine de romans et anthologies (incluant des romans policiers et historiques ou même des recueils de poèmes). Il écrit plusieurs séries, dont la plus connue en français est celle des « Gardiens du temps » principalement dans un style space-opera.

Sa nouvelle « Call me Joe » (1957) a inspiré à James Cameron son film 3D « Avatar » (2009).
En 1994, les Allemands Klaus Knoesel & Holger Neuhäuser réalisent le film « High Crusade – Frikassee im Weltraum », le scénario est basé sur son livre « Les Croisés du cosmos » (1960).

Il a remporté 7 prix Hugo et 3 prix Nebula (toujours pour des nouvelles) parmi de nombreux prix dont le Grand Master Award de la SFWA dont il est président de 1972 à 1973. En 2001, il reçoit un prix Prometheus spécial pour l’ensemble de son œuvre. »

(Source : Babelio)

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Titre, couverture et quatrième de couverture, malheureusement discutables

En ce qui concerne le titre, je suis interrogateur. En effet, l’épée n’est vraiment le centre d’intérêt de l’histoire qu’après la seconde moitié du livre. « Les amants maudits », « la chanson de Skafloc », « Skafloc et Valgard »,… fin bref, d’autres titres auraient été bien plus appropriés. Mais bon, peut-être que « L’Épée Brisée » rendait la chose plus « épique », plus « Fantasy », ou tout simplement parce que l’auteur voulait se référer à un objet pour établir un parallèle au Seigneur des Anneaux de Tolkien et ainsi faire « concurrence ».

La quatrième de couverture se positionne également très fortement sur la fameuse épée alors qu’il se passe tellement d’autres aventures avant qu’elle n’entre réellement en action.

Pour la couverture, je suis bien plus attiré par celle du Bélial que celle de la version Livre de Poche. Dans celle du Bélial, l’on retrouve ce qui semble être le Roi des Trolls, avec ce design très d’époque (l’on pense à ces films des années 60/70 où les monstres filmés étaient de jolies maquettes en carton pâte que l’on devait bouger à chaque prise pour faire évoluer la scène). Elle est très rétro et beaucoup plus représentative que l’autre. Dans la version Livre de Poche que j’ai eu la chance d’acheter, l’on retrouve une troupe de personnages qui semblent être un géant, un nain, un elfe, un orque et que sais-je encore. Je ne vois pas le rapport de cette image avec l’histoire. Même si objectivement elle est belle, elle n’a pas le même pouvoir d’attraction que peut produire celle du Bélial (on pourra toujours dire que sur l’une il y a la fameuse épée, sur l’autre pas, mais on ne va pas en débattre pendant des heures).

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« Les hommes sont plus heureux que les êtres de Faërie – et plus heureux que les dieux eux-mêmes, dit-il. Mieux vaut une vie semblable à l’étoile filante, brève mais éclairant les ténèbres, que la longue, longue attente des immortels, dénuée d’amour, et seulement riche d’une sagesse sans joie. »

Mes impressions, un chef d’oeuvre en retard de 60 ans !

Faut dire que 60 ans auront été nécessaires pour que le roman soit traduit dans nos contrées. C’est long. Et c’est ce qui fait que beaucoup de personnes ne connaissent finalement que très peu l’oeuvre du regretté Poul Anderson.

Ce livre est  au Seigneur des Anneaux ce que Saruman est à Gandalf. Ils tirent leur même origine pour établir un roman de Fantasy, chacun avec un style poétique et lyrique, mais prennent des chemins bien différents, l’un vers le côté obscur avec des nuances de gris, l’autre vers la lumière avec un manichéisme prononcé.

Ce livre est un une chanson épique, complètement sous-estimée du grand public alors que ce récit mériterait largement sa place dans les Must Have de la Fantasy. Mais il y avait un hic à l’époque : sa rivalité avec la toute grande oeuvre de Tolkien. Alors que ce dernier proposait une aventure relativement lisse avec un Worldbuilding exceptionnel qui marquera des générations d’écrivains, Poul Anderson proposera sa version de la Fantasy épique, quelque chose de beaucoup plus noir, plus dérangeant et de beaucoup plus « sale » par rapport à l’oeuvre de Tolkien. La préface de Michael Moorcock va d’ailleurs dans ce sens, critiquant avec verve le fameux Seigneur des Anneaux pour son côté trop gentil et trop propre par rapport au sujet traité. Les prises de position de l’auteur ne l’ont également pas aidé à sortir la tête hors de l’eau mais là, c’est une autre histoire.

En effet, l’ambiance générale bâtie par Anderson, même s’il s’agit d’un récit  qui prone l’héroïsme, reste très sombre une grande partie du livre, suinte le sang et parle de choses qui dérangent comme l’inceste ou le viol par exemple. Un roman très marqué par les cultures scandinaves et celtiques dans lesquelles les divinités se font la guerre. Mais malgré toute cette noirceur, la plume de l’auteur teintée de poésie et d’envolées lyrique permet de faire passer tout ceci avec une certaine douceur. Un vrai tour de force de la part de l’auteur.

Un bon moment de lecture, clairement épique, où le grand Skafloc bravera nombre de dangers pour forger sa légende. Ce nom ne vous dit rien ? Dommage. Car son histoire est aussi belle que cruelle et mériterait d’être beaucoup plus répandue dans le monde de la littérature contemporaine et pourrait faire figure d’exemple au même titre qu’un Conan le Barbare (pour ne citer que lui).

Alors que le monde des hommes prend de plus en plus de place et que leur Christ Blanc commence à évincer les divinités des Faës, ses derniers sont les pions d’un jeu d’échec divin entre les ennemis ancestraux que sont les Ases et les Jotüns. Qui en sortira vainqueur ?

« Hache et épée! Pique et gourdin! Bouclier fendu, heaume fracassé et broigne en lambeaux! Le geyser rouge du sang elfe coulant à côté du gel vert et glacé du sang troll! Et la danse de mort frémissante des lumières dans le ciel ! »

Les personnages

Ayant lu le livre il y a à peu près de deux ans, je ne me souviens plus de tous les intervenants. Mais bien entendu il y a Skafloc, le héros malheureux qui fut élevé par les Elfes, qui combattra les Trolls, partira au bout du monde avec un Sidhe, et trouveras l’amour de sa vie avec qui, vous l’aurez deviné, ce sera un tantinet compliqué.

Il y a aussi Valgard, un changelin a la personnalité complexe et à la folie meurtrière, sorte de double obscur de Skafloc qui mènera sa propre épopée dans un bain de sang, de folie et de traîtrise. Peut-être le personnage à la psychologie la plus intéressante du roman.

Je repense notamment au père adoptif de Skafloc, le chef elfique Imric qui viola une prisonnière troll pour créer un changelin pour le mettre dans un berceau humain à la place de celui qui deviendra Skafloc. Vous conviendrez qu’on est très loin du stéréotype de l’Elfe bouffeur de salade et gracieux de l’oeuvre de Tolkien.

D’autres personnages comme le Sidhe qui accompagne notre héros jusqu’aux terres gelées du Nord, ou encore le sanguinaire roi des Trolls, voir même la sorcière qui implanta pour de bon la graine de la folie dans l’esprit de Valgard. Tout ce petit monde vient apporter sa touche pour que le récit n’en soit que plus incroyable.

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Ce que j’ai aimé

Tout d’abord, l’on baigne dans de la Fantasy sombre et épique, le tout servit avec une sauce poétique et lyrique parfois pas évidente à accrocher mais qui apporte vraiment un plus au récit. L’on peut considérer ce livre comme une oeuvre fondatrice du genre sans que cela ne soit scandaleux.

Une Fantasy comme on n’en fait plus. Je pense notamment à la magie et aux races reléguant l’être humain à un rôle secondaire. Tout y passe, les Elfes, les Trolls (qui reçoivent pour le coup un rôle de choix), les Sidhes, des démons dont je ne connaissais pas le nom et j’en passe et des meilleurs. Dans une Fantasy moderne qui renie de plus en plus la magie et les races à la Tolkien pour se concentrer uniquement sur un Monde différent du nôtre, où l’action et les complots prédominent, cela fait du bien de lire une oeuvre qui reprend les codes du genre pour en faire une épopée héroïque comme il n’en existe plus aujourd’hui.

Un récit qui n’hésite pas à mettre en avant des choses dérangeantes (inceste, trahisons,…). Des combats toujours plus sanglants qui feraient presque pâlir Gemmell lui-même. Des personnages charismatiques qui portent à merveille le récit sont des promesses de grandes aventures tout au long de l’histoire.

Ce que j’aurai aimé, ce qui m’a dérangé

La couverture de la version Livre de Poche que je ne comprends pas et qui pour moi est bien moins évocatrice que celle du Bélial. Le titre également qui pour moi n’est pas forcément bien choisi par rapport au contenu.

La difficulté pour entrer de plein pieds dans le récit. Le style et la noirceur des faits peuvent en dérouter certains.

 Une fin d’épopée un peu bâclée à mon sens. Trop simple et trop brutal après avoir lu de telles aventures.

Peut-être y aurait-il dû avoir un épilogue car on ne sait pas ce qui arrive aux personnages encore en vie à la fin du récit.

Point neutre

La préface de Moorcock. Elle explique bien la différence qui sépare Poul Anderson de Tolkien et dans la manière d’aborder la Fantasy, point intéressant si l’on ne prend parti ni pour l’un ni pour l’autre. Cependant, l’on risque d’être à un moment spolié sur quelques passages du récit et je trouve personnellement un peu moyen le fait de critiquer publiquement une oeuvre telle que celle de Tolkien qui, certes paraît très lisse comparée à l’Épée brisée, mais n’en reste pas moins une oeuvre mondialement appréciée. De plus, Tolkien avait sa propre représentation de ce qu’était la Fantasy alors que Poul en avait une autre, et il faut respecter les choix de chacun car en écriture il n’y a pas de règles à suivre si ce n’est celle d’écrire.

Conclusion

Un livre qui aura tardé à arriver dans nos contrées et qui n’est malheureusement pas assez (re)connu. Un récit épique comme on n’en fait plus, où la magie prédomine et où les peuples de Faërie se font la guerre à l’insu des hommes. Un récit poétique et lyrique maquillé de noirceur et de sujets dérangeants qui pourront peut-être en rebuter certains. Une fin un petit peu bâclée vient légèrement ternir cette histoire emplie de puissance et surfant sur la vague des mythologies scandinaves et celtiques qui en ravira plus d’un. Un Must Have sous-estimé et peut-être fondateur de la Dark/Heroic Fantasy.

Note

8/10

Si vous avez apprécié cette critique (ou pas), n’hésitez pas à commenter. Si vous l’avez déjà lu ou si vous avez des questions spécifiques au récit, laissez une trace de votre passage 🙂

D’autres avis d’experts, c’est par ici –> Apophis, Lorhkan, Lhisbei, Gromovar, Nebalia, Baroona, Vert, Mariejuliet, Célindanaé (Au pays des cave Trolls), Dionysos, Blackwolf, le Chroniqueur OmbreBones,…

23 réflexions au sujet de « Avis Lecture : L’Épée brisée (Poul Anderson) »

  1. La quatrième de couverture me tente bien, et j’avais apprécié la plume de Poul Anderson dans ses œuvres sur Conan, ainsi que dans La saga de Hrolf Kraki, un récit épique avec des héros danois. J’ignorais l’existence de ce roman-là, merci de me le faire connaître. Plonger un peu dans la mythologie scandinave revisitée ne serait pas pour me déplaire 🙂

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    1. Oui malheureusement (et heureusement, les deux peuvent s’accorder), se sont les autres œuvres qu’il a écrites qui sont plus connues alors que ce livre-là mérite tellement au moins une part égal du gâteau.
      Je ne saurai que te le conseiller 😉 un beau moment de lecture à n’en pas douter (à supposer que les rapports incestueux ne te posent pas de problème haha ! ^^)

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  2. Les références à la mythologie scandinave sont évidentes après avoir lu la mythologie viking de N.Gaiman
    Après je sais pas trop si je suis emballé, les critiques sont plutôt bonnes mais bon, pas forcément l’envie du moment^^
    Je le note tout de même dans un coin

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    1. Comme ce fut écrit en 1954, il y a encore cette forme assez brute des croyances scandinaves et celtiques qui n’est pas désagréable. Après, je crois qu’en tant que fan des genres de l’imaginaire, c’est quelque chose que l’on se doit de lire pour le côté épique et pour la prose du récit. Après, toi tu es beaucoup plus centré SF ce qui se comprends et il n’est pas dit que tu aimeras forcément. Mais je ne peux que te le conseiller si un jour tu cherches qqchose qui se rapproche de l’essence même de la Dark Fantasy.

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  3. Que dire : je suis entièrement d’accord!!! Superbe chronique pour ce chef d’œuvre oublié. Il mérite tant d’être mis en avant, que chaque fois c’est une parcelle arraché à l’oubli.
    Oui, une chanson épique, c’est bien cela!

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  4. C’est la première chronique de ce roman que je lis et je l’ai trouvée très intéressante! Il se trouve qu’une amie m’a offert ce livre récemment alors que je n’en avais jamais entendu parler! Je suis maintenant très curieuse de le découvrir – même si je redoute un peu le côté sombre. Je ressors de deux lectures plutôt sombres, chacune à leur manière, alors je laisserai peut-être un peu de temps s’écouler encore avant de le lire mais je compte bien le faire!

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    1. Merci à toi 🙂 oui je te conseille peut-être de lire un ou deux livres plus légers avant de te lancer pleinement dans ce récit qui alterne aussi bien les grands moments de bravoure et d’héroïsme que les moments de grandes tristesse et de folie. Hâte de voir ce que tu en penseras 🙂

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    1. Oui, ce livre est assez sombre dans son message, vraiment en totale opposition avec le Seigneur des Anneaux à la même époque. Mais il faut surtout retenir le côté épique du récit et l’écriture assez poétique de l’auteur.

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